La dégradation des correspondances

Regardons d’un peu plus près quelle sera la situation des correspondances à Charleroi-Sud dès l’entrée du nouveau Plan de Transport de la SNCB à la mi-décembre.

Vous aurez peut-être déjà lu le grand article dans la Dernière Heure édition Hainaut de jeudi dernier, ou regardé le reportage dans le JT de TéléSambre le même soir, où Frédéric Razée, membre de notre Comité, explique comment ses trajets quotidiens entre Erquelinnes et Namur seront impactés.

Selon les statistiques de la SNCB, la majorité des voyageurs empruntant la ligne 130a ne poursuit pas son voyage en train au-delà de Charleroi-Sud. Mais de nombreux usagers continuent néanmoins leur voyage vers Nivelles, Bruxelles, La Louvière, Mons, Auvelais, Namur, Louvain-la-Neuve, Walcourt etc. Pour elles, pour eux, il importe que la correspondance avec le train suivant soit assurée sans devoir attendre de trop longues minutes sur le quai à Charleroi.

Vous trouverez ci-dessous cinq capsules simulant l’évolution des correspondances pour des trajets aller-retour au départ de la ligne 130a vers Bruxelles, Namur, La Louvière, Ham-sur-Heure et Fleurus. Les voyageurs représentés sont fictifs, mais pas les trains qu’ils empruntent !

N’hésitez pas à témoigner de votre situation personnelle, si vous découvrez que les nouveaux horaires de la SNCB auront de grosses conséquences sur vos trajets !

Ah, encore une chose. Pour les besoins des simulations ci-dessous, nous supposerons que chacun des trains empruntés est parfaitement à l’heure. Ce qui, dans le cas de notre ligne 130a, vous en conviendrez, est loin d’être toujours le cas ! Allez, c’est parti …

1. Cédric habite Labuissière et travaille à Bruxelles du lundi au vendredi

Aujourd’hui, il prend le train 4776 à Labuissière à 6h11, arrive à Charleroi-Sud à 6h40 où, après 15 minutes de correspondance, il embarque dans le train IC 2006 de 6h55 avec lequel il arrive à Bruxelles-Midi à 7h45. Après sa journée de travail, il monte à 16h45 dans le train IC 4537 qui arrive à Charleroi-Sud à 17h35 où, après 18 minutes de correspondance, il embarque dans le train 4767 de 17h53 qui le dépose – journée faite ! – à Labuissière à 18h22.

Dès le 14 décembre, Cédric prendra le même train 4776 à Labuissière à 6h07, arrivera toujours à Charleroi-Sud à 6h40 où, après seulement 8 minutes de correspondance, il pourra embarquer dans le train P 7722 de 6h48 avec lequel il arrivera à Bruxelles-Midi à 7h39. Après sa journée de travail, il montera à 16h45 dans le train IC 4537 qui arrivera à Charleroi-Sud, comme aujourd’hui, à 17h35 où, après seulement 9 minutes de correspondance, il embarquera dans le train 4767 de 17h44 qui le déposera – nouvelle journée faite – à Labuissière à 18h17.

Bilan : Très léger mieux, si tout va bien. Le temps de parcours en train sera légèrement plus rapide à l’aller comme au retour, notamment en raison de correspondances plus courtes à Charleroi-Sud. Mais connaissant les retards chroniques du 4776 le matin et les embouteillages sur la ligne 124 (Bruxelles-Charleroi) en fin d’après-midi, tout retard de 5 à 10 minutes se paiera cash à l’arrivée.

2. Savannah habite Lobbes et travaille l’après-midi dans une boutique de mode à Namur

Aujourd’hui, elle démarre de Lobbes à 11h18 avec le train 4781 qui arrive à Charleroi-Sud à 11h39, où elle dispose de 11 minutes avant d’embarquer dans l’IC 910 qui la mène à Namur pour 12h21. Au retour, elle emprunte l’IC 3839 qui part de Namur à 18h12 et arrive à Charleroi-Sud à 18h43, où elle a 10 minutes d’attente avant de monter dans le 4768 qui part à 18h53 et la dépose à Lobbes à 19h13.

Dès le 14 décembre, Savannah démarrera de Lobbes à 11h15 avec le train 4781 qui arrivera à Charleroi-Sud à 11h39, où elle disposera toujours de 11 minutes avant d’embarquer dans l’IC 910 qui la mènera à Namur pour 12h21. Au retour, elle empruntera toujours l’IC 3839 qui partira de Namur à 18h12 et arrivera à Charleroi-Sud à 18h43. Problème : le 4768 démarrera désormais de Charleroi-Sud à 18h44, la correspondance en 1 minute étant virtuellement impossible. Solution : « Poireauter » 1 heure !

Bilan : Catastrophique. Si l’aller ne pose aucun problème, que dire du retour ? Savannah doit-elle acheter une voiture ? Le retour de Namur à Lobbes est désormais un casse-tête. C’est bien simple : l’app SNCB lui conseille de rentrer via Marchienne-au-Pont et d’ensuite prendre deux bus – le 77 et le 91 – pour rentrer chez elle à Lobbes sans devoir attendre 1 heure à Charleroi-Sud.

[Dès le 14 décembre, Savannah ne pourra plus emprunter le train 4768, vu ici au départ à Charleroi-Sud le 16 octobre 2020]

3. Stéphane habite Landelies et travaille à La Louvière du lundi au vendredi

Il a pour habitude de prendre le train 4777 à Landelies, qui démarre à 7h30 et arrive à Charleroi-Sud à 7h40. Il n’a que 5 minutes de correspondance avant le départ de l’IC 3828, qui part à 7h45 et arrive à La Louvière-Sud à 8h05. Après sa journée de travail, il reprend le train, à savoir l’IC 3816 qui quitte La Louvière-Sud à 16h57, arrive à Charleroi-Sud à 17h17 et lui donne une correspondance, 8 minutes plus tard, avec le train 8751 de 17h25 duquel il débarque à Landelies à 17h34.

A partir du 14 décembre, Stéphane prendra le train 4777 à Landelies, qui démarrera à 7h28 et arrivera à Charleroi-Sud à 7h39. Il aura désormais 6 minutes de correspondance avant le départ de l’IC 3828, qui partira à 7h45 et arrivera à La Louvière-Sud à 8h04. Après sa journée de travail, il reprendra le train, à savoir l’IC 3816 qui quittera La Louvière-Sud à 16h57, arrivera à Charleroi-Sud à 17h17 et lui donnera la même correspondance, 8 minutes plus tard, avec le train 8751 de 17h25 duquel il débarquera à Landelies à 17h34.

Bilan : Situation inchangée pour Stéphane, qui ne doit pas s’inquiéter des conséquences du Plan de Transport 2020. Il peut même espérer une amélioration de la ponctualité du train 4777 le matin… mais ça, nous ne le saurons qu’en janvier, quand nous pourrons tirer un premier bilan.

4. Gisela habite Erquelinnes et rend visite à sa sœur aînée à Ham-sur-Heure tous les jeudis

Au fil des ans, c’est devenu une routine : elle prend le train 4779 qui démarre d’Erquelinnes à 9h01 et arrive à Charleroi-Sud à 9h39 où, après une correspondance de 33 minutes, elle embarque dans le train 3910 de 10h12 à destination de Couvin pour en descendre à Ham-sur-Heure à 10h26. Au retour, elle emprunte le train 3934 à 14h35 qui arrive à Charleroi-Sud à 14h48 où, seulement quatre minutes plus tard, elle monte dans le train 4764 de 14h52 qui la dépose à Erquelinnes à 15h30, à temps pour le retour des enfants de l’école.

A partir du 14 décembre, Gisela prendra toujours le train 4779 qui démarre d’Erquelinnes à 8h57 et arrivera à Charleroi-Sud à 9h39 où, après la même correspondance de 33 minutes, elle embarquera dans le même train 3910 de 10h12 à destination de Couvin pour en descendre à Ham-sur-Heure à 10h26. C’est au retour que ça se gâte. En empruntant à Ham-sur-Heure le même train 3934 de 14h35, elle arrivera toujours à Charleroi-Sud à 14h48 mais devra hélas constater que le train 4764 est déjà parti vers Erquelinnes ! Elle devra donc attendre le train 4765, qui partira 56 minutes plus tard, et la déposera donc à Erquelinnes à 16h26.

Bilan : Catastrophique. Les correspondances entre les trains arrivant de la ligne 132 (Couvin/Walcourt) et ceux s’engageant sur notre ligne 130a ne sont actuellement pas optimales (la SNCB ne considère d’ailleurs pas quatre minutes de correspondance comme une connexion assurée), mais elles deviendront dès le 14 décembre tout simplement imbuvables, sauf à de très rares moments de la journée. Gisèla acceptera-t-elle d’attendre près d’une heure à Charleroi au retour ? Aura-t-elle le choix ? Ne ferait-elle pas mieux, si elle trouve une solution pour les enfants, de partir de chez sa sœur une heure plus tard, ce qui lui permettra d’attraper un des trains P vers Erquelinnes ?

5. Mouss habite Thuin et travaille à Fleurus du lundi au vendredi

Il commence ses journées très tôt et, de ces jours-ci, prend à 5h20 à Thuin le train 4775. Arrivé à Charleroi-Sud à 5h39, il patiente 13 minutes avant que son train suivant, le 4576, quitte la gare à 5h52 pour atteindre Fleurus à 6h06. Au retour, il grimpe dans le train 4565, qui démarre de Fleurus à 15h54 et arrive à Charleroi-Sud 16h09. Puisque c’est l’heure des trains de pointe, il ne doit attendre que 14 minutes avant que le train 8750 ne démarre à 16h23 pour le déposer en gare de Thuin à 16h40.

A partir du 14 décembre, Mouss prendra toujours les trains 4775 puis 4576 en démarrant à 5h20 de Thuin pour arriver à Fleurus à 6h06 avec 12 minutes de correspondance à Charleroi-Sud. Le labeur du jour achevé, il grimpera toujours dans le train 4765 démarrant de Fleurus à 15h56 pour arriver à Charleroi-Sud à 16h11. Après seulement 5 minutes de correspondance, il prendra le même train 8750 à 16h16 et arrivera à Thuin à 16h36.

Bilan : Un petit mieux mais… Sans peut-être le savoir, Mouss est un navetteur heureux. Pouvoir se rendre de Thuin à Fleurus en 40 ou 45 minutes fait du train un mode de transport compétitif entre ces deux localités. En fait, il a également la chance de pouvoir compter au retour sur un train de pointe, le 8750, qui ne l’oblige pas à attendre de longues minutes supplémentaires. Jean-Marc, qui effectue le même trajet mais avec deux heures de décalage dans la journée, connaît déjà et connaîtra encore des trajets retours plus pénibles avec 43 minutes de correspondance à Charleroi-Sud aujourd’hui et 33 minutes dès le 14 décembre.

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Conclusions

Les navetteurs au long cours de la ligne 130a sont courageux.

Avec tout le respect qu’on doit aux travailleurs de la SNCB qui ont passé de longues heures à élaborer les nouveaux horaires, on ne peut pas se satisfaire de l’évolution des correspondances pour les navetteurs dont le voyage combine la ligne 130a et une autre ligne au départ de Charleroi-Sud. Les cinq voyageurs présentés ci-dessus sont peut-être fictifs ; ils sont néanmoins représentatifs de la diversité des habitudes parmi les navetteurs et autres usagers fréquents de la ligne. Partir plus tôt ou plus tard est souvent impossible, parce qu’on a organisé sa vie autour des (longs) trajets vers l’école ou le lieu de travail.

Dès le 14 décembre, les correspondances à Charleroi-Sud au retour de Namur et de la ligne de Couvin seront, comme on l’a vu, nettement moins favorables. Ces navetteurs arrêteront-ils de prendre le train pour privilégier la voiture, comme Frédéric Razée ? Nous aurions pu vous parler également d’une navetteuse revenant de Châtelet le soir, mais qui ne le fera sans doute plus non plus dès la mi-décembre parce que, dans son cas aussi, on aura massacré une correspondance qui fonctionnait plutôt bien.

Les navetteurs au long cours de la ligne 130a sont courageux, mais ils seront de moins en moins nombreux. Et nous les comprenons. Nous qui cherchons à remettre des voyageurs dans les trains de notre région devons constater, une fois encore, que nous n’y sommes pas aidés. Nous n’abandonnons pas. Nous n’abandonnerons jamais.